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"Il m'arrive encore de rêver aux urgences vitales et de me réveiller soulagée d'être dans mon lit."

Les conditions de travail du personnel de la santé se détériorent. Ces personnes ne sont pas reconnues à leur juste valeur. C'est pourquoi, une alliance de la santé s'est créée entre le Syndicat Syna Fribourg et le Syndicat des Services Publics de Fribourg (SSP Fribourg). La période difficile que nous vivons toutes et tous actuellement, met en lumière les difficultés du personnel soignant à pouvoir gérer la crise dans de bonnes conditions. Pour lancer la semaine de mobilisation du 26 octobre 2020 au 1er novembre 2020, une conférence de presse a été organisée le 21 octobre 2020 à Fribourg. Plusieurs intervenant·e·s se sont succédé·e·s pour faire part de nos revendications. 

La Présidente de Syna Fribourg, Nicole Aeby-Egger, a pris la parole pour parler de son vécu dans la santé:

"Il y a 44 ans que je suis entrée dans le milieu de la santé. Ma première profession a été celle d'infirmière diplômée, puis j'ai effectué une spécialisation en salle d'opération, ce qui m'a permis de remplir la fonction dite d'instrumentiste qui est actuellement celle des technicien·ne·s en salle d'opération diplômés, les TSO. J'ai donc côtoyé, directement dans les hôpitaux, des services de soins, et un plateau technique. J'ai ensuite fait une formation de management pour le bloc opératoire.


6 ans de formation, d'études, d'examens, et je ne suis pas restée à l'hôpital, bien que j'y aie laissé mon cœur, tant ces deux professions sont intéressantes, ce sont les plus passionnantes, les plus exigeantes, mais aussi les plus difficiles, les plus pénibles.

Lorsque je travaillais à l'hôpital, j'étais jeune, mais j'étais fatiguée. Je m'endormais au cinéma, aux spectacles, sitôt que j'étais assise et détendue. Je n'arrivais pas à avoir de réels loisirs. Je suis alors partie dans l'enseignement professionnel. En partant de l'hôpital, je me suis dit, je ne serai plus jamais stressée, car plus jamais, la vie d'êtres humains dépendra de mes réflexions, de ma rapidité, de mes actions. Et c'est vrai, je n'ai plus été stressée. Toutefois, il m'arrive encore de rêver aux urgences vitales et de me réveiller soulagée d'être dans mon lit. En partant, j'ai ainsi fait partie du 45,9% [1]des infirmi·er·ère·s qui quittent la profession.

Quand je travaillais à l'hôpital et qu'une personne de mon entourage se plaignait d'être fatiguée, je me disais, mais comment peut-elle être fatiguée ? Elle peut aller se coucher tous les soirs et peut dormir toutes les nuits.

Ne croyez pas que je parle d'un temps ancien, car maintenant, c'est toujours pareil, le personnel du bloc opératoire, tout comme celui des soins, effectue environ 6 nuits par mois. Vous imaginez vous, faire 6 nuits blanches par mois ?"

[1] Obsan 12/2016, Personnel soignant en Suisse

"[...]on laisse ce service public être gouverné par des assureurs privés qui, comme tout le monde le sait, poursuivent des buts lucratifs et non humanistes."

Nicole Aeby-Egger, Présidente de Syna Fribourg

"En raison de la situation sanitaire, beaucoup se plaignent de devoir porter un masque durant quelques heures ? Il y a des opérations qui durent de longues heures, elles sont suivies d'autres, ça signifie que durant toute la durée du travail, et ce sont des journées de 12 heures, les professionnels portent le masque. En avez-vous déjà entendu se plaindre ?

Dans les équipes hospitalières, seules moins de la moitié, voire moins du 1/3 travaillent à 100%, tout simplement parce que 100%, c'est trop pénible. Les congés ne sont pas de réels congés, ils permettent juste de récupérer. On peut d'ailleurs voir, dans les statistiques, que de tous les milieux économiques, c'est dans la santé que le temps de travail hebdomadaire est le plus bas avec une moyenne de 28.1 heures[2]. Ce chiffre n'est pas le résultat de contrats de travail favorables, mais bien la preuve du contraire, c'est trop pénible à 100 %. Pour survivre dans la profession, il faut travailler à temps partiel et faire un sacrifice économique qui se répercute à l'âge de la retraite.

C'est un milieu intransigeant, la faiblesse d'un membre de l'équipe pénalise les collègues qui doivent compenser. Les soignant·e·s sont donc culpabilisé·e·s si ils ou elles sont malades, c'est du Koh Lanta en live. La violence psychologique et le mobbing sont très fréquents envers les « faibles », ceux et celles qui ne supportent pas le rythme, ceux et celles qui ne sont pas complètement TOP, comme c'est le cas pour les femmes enceintes, les personnes avec un problème de santé ou les membres de l'équipe les plus âgé·e·s. Ne pas pouvoir assumer tous les horaires, avoir des restrictions physiques est d'ailleurs souvent un motif d'arrêt du travail.

Afin de pallier à la pénurie de personnel qui existe depuis toujours, les décisions politiques se centrent sur la formation. Or, les formations pour les professions de la santé sont adéquates, elles sont intégrées dans le système de la formation professionnelle et universitaire. Les passerelles, même si elles peuvent être encore améliorées, existent. Les cantons et la confédération investissent beaucoup pour ces formations. Mais c'est remplir un panier percé, car prendre soin de la santé de la population, c'est un service public. Ce n'est pas un commerce. Dans notre pays, on laisse ce service public être gouverné par des assureurs privés qui, comme tout le monde le sait, poursuivent des buts lucratifs et non humanistes. Continuer ainsi ne peut pas fonctionner. Les soignants doivent pouvoir soigner et ne pas consacrer leur temps à remplir des tâches administratives au service du joug économique des assurances. Sans une réelle amélioration des conditions de travail, on peut former, mais ça se videra toujours et les nouvelles forces ne pourront pas compenser les personnes qui partent. Une hausse réelle des salaires et une baisse des durées de travail me semblent être des propositions qui permettront des économies à moyen terme. Former le personnel de la santé coûte cher, on ne peut pas gaspiller cet investissement en les laissant partir à cause des mauvaises conditions de travail."

Nicole Aeby-Egger, Présidente de Syna Fribourg, Conférence de Presse du 21 octobre 2020

[2] OFS 2019 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/activite-professionnelle-temps-travail/temps-travail/heures-effectives.assetdetail.12707424.html

(Pour en savoir plus sur les revendications: https://syna.ch/fr/alliance-sante-publique)


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